Le 12 juillet 1991, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a rendu un arrêt de principe dans l’affaire dite « Besse », qui est venu clarifier la distinction entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle. Cet arrêt Besse a eu un impact majeur sur le droit de la responsabilité civile.
Les faits à l’origine de l’arrêt Besse
Les faits sont les suivants : un maître d’ouvrage avait confié à un entrepreneur principal la construction d’un immeuble d’habitation. L’entrepreneur principal avait ensuite fait appel à des sous-traitants, dont un artisan plombier, pour réaliser certains travaux spécifiques. Plus de 10 ans après la livraison du bâtiment, des malfaçons sont apparues sur les installations de plomberie réalisées par le sous-traitant. Le maître d’ouvrage a donc assigné en justice l’entrepreneur principal et le sous-traitant pour obtenir réparation.
Bon à savoir : Le maître d’ouvrage est la personne pour laquelle l’ouvrage est réalisé. L’entrepreneur principal est celui qui a conclu le contrat principal avec le maître d’ouvrage. Le sous-traitant réalise une partie des travaux pour le compte de l’entrepreneur principal.
La position traditionaliste de la Cour d’appel
En première instance, la Cour d’appel a débouté le maître d’ouvrage de ses demandes à l’encontre du sous-traitant. Elle a considéré que le maître d’ouvrage ne disposait que d’une action contractuelle à l’encontre du sous-traitant, par le jeu de la substitution du débiteur principal. Dès lors, le sous-traitant pouvait invoquer la forclusion décennale de l’action contractuelle pour se défendre.
Par exemple, si un entrepreneur construit une maison pour M. Dupont et fait appel à un électricien en sous-traitance, M. Dupont ne pourra engager la responsabilité contractuelle de l’électricien qu’avec les limitations découlant du contrat principal entre M. Dupont et l’entrepreneur.
Le revirement opéré par l’arrêt d’Assemblée plénière
La Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt de la Cour d’appel. Elle a jugé que le sous-traitant n’était pas contractuellement lié au maître d’ouvrage. Par conséquent, ce dernier ne disposait pas d’une action contractuelle mais d’une action délictuelle à l’encontre du sous-traitant. La forclusion décennale ne pouvait donc pas être invoquée.
L’arrêt Besse consacre ainsi la position de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation, aux dépens de celle de la 1ère chambre. Il signe l’impossibilité d’un cumul entre responsabilité contractuelle et délictuelle dans cette situation.
La portée de la jurisprudence Besse
Par la suite, la Cour de cassation a précisé que le critère de distinction entre responsabilité contractuelle et délictuelle résidait dans l’existence ou non d’un transfert de propriété dans la chaîne de contrats. En l’absence de transfert de propriété, comme dans l’affaire Besse, seul un recours délictuel est possible.
Ainsi, l’arrêt Besse a nettement élargi le domaine de la responsabilité délictuelle au détriment de la responsabilité contractuelle. La solution dégagée s’est imposée de manière pérenne dans la jurisprudence postérieure, clarifiant ainsi la frontière entre les deux ordres de responsabilité.
« Grâce à l’arrêt Besse, les règles sont désormais claires pour nous avocats quand il s’agit d’engager la responsabilité des différents intervenants dans un projet de construction », témoigne Maître Martin, avocat spécialisé en droit de la construction.